Une belle déclaration d’amour

Rien que son nom suscite la curiosité et l’intérêt. “Autant
reconnaître que mon intérêt résulte en définitive d’une envie de ressusciter un
passé qui ne verse pas dans les trémolos”, écrit l’auteur. Dans son dernier
ouvrage intitulé Biskra, miroir du désert, notre confrère Mohamed Balhi offre
une ode à sa ville natale, pour laquelle il voue un amour incommensurable, sans
limite. Deux cent quarante-six pages consacrées à cette cité où l’historien et
cadi, Ibn Khaldoun, y a longtemps séjourné. D’ailleurs il n’est pas le seul à
avoir succombé au charme ravageur de Biskra, beaucoup après lui y sont tombés
dans ses “griffes”. Ils ont été séduits pour beaucoup d’entre eux par son
climat hivernal exceptionnel. En effet, de 1880 à 1920, elle est à la mode chez
les Britanniques qui s’y rendaient pour fuir la grisaille. Elle était aussi
réputée que la Riviera, en France.
Vu l’engouement qu’elle suscitait chez les
Européens, Biskra est “intronisée station climatique” en 1922. Beaucoup
d’artistes, écrivains, artistes peintres ou autres s’y rendaient à la recherche
de l’inspiration perdue, de cette liberté qu’ils ne retrouvaient plus chez eux.
Parmi eux, l’on peut citer : Robert Hitchens, André Gide, Oscar Wilde, Eugène
Fromentin, luigi Brignoli, Hendri Matisse, Bela Bartok, Clare Sheridan, Arthur
Frederik Bridgman, et bien d’autres. Ils ont tous été – disons-le sans complexe
– amoureux de cette ville. Cet amour et cette fascination étaient décelable, voire
suggérés à travers leurs œuvres. Toutefois, dans les récites de voyages ou
autres écrits qui lui sont consacrés, tous sont unanimes à mettre en exergue la
beauté particulière de cette cité. Même vocabulaire, même descriptif :
“ébahissement, découverte des gens, luminosité et contraste des couleurs,
musicalités différentes…”. En outre, selon l’auteur, Biskra n’a pas attiré reçu
uniquement les lettrés étrangers ; “Mouloud Mammeri avait reçu le prix des
quatre jurys dans cette ville enchanteresse”, mentionne-t-il dans son livre. Miroir
de la passion. C’est dans cet univers de féerique, gorgé de nostalgie, que
l’auteur plonge le lecteur.
Vingt-cinq chapitres, suivis d’un épilogue,
d’impressions et de notes bibliographiques, composent ce beau livre qui est
agrémenté de photographies d’époques – dommage que certaines sont trop
pixélisées (saturées en grain) –, qui à elles seules racontent l’histoire de
Biskra. Les photos sont soit des clichés en noir et blanc de l’époque, soit des
toiles de maîtres qui ont séjourné dans cette ville et qui n’ont pu résister à
peindre ce que leurs yeux accrochaient, car conquis. Mais ont-ils tout dévoilé.
Car même aujourd’hui, la magnificence des sites naturels est intacte. Ils sont
“la carte maîtresse” d’un tourisme de qualité. Dès les premières pages, et
après lecture du premier chapitre, Miroir du désert, l’on devine aisément,
pourquoi cet intérêt pour Biskra. La description est tellement captivante –
c’est le cas tout au long du livre – que le lecteur est happé par la cavalcade
des mots. L’amour d’Ahmed Balhi est aussi présent.
Avec simplicité, il raconte
l’histoire de la ville qui l’a vu naître, et qu’il porte toujours dans son
cœur, même s’il l’a quittée pour vivre à Alger, ville d’adoption. Les
différents chapitres défilent comme des haltes que le lecteur doit marquer.
L’auteur revient sur les moments forts de la ville des Zibans. La fluidité du
style et de l’écriture rendent la lecture aisée, captivante. L’on arrive à la
fin de ce beau livre comme si on venait de voir un film. Tellement la
description imagée est très présente. Biskra miroir du désert, une chanson
d’amour qui raconte la passion d’un homme pour sa ville. À travers mots et
images, il revient sur les traces d’une cité, qui a été une destination
privilégiée d’“hiverneurs”, un haut lieu du tourisme mondain. En arrière-fond,
il y a, bien sûr, la réalité coloniale, avec ses clichés, ses fantasmes et ses
discours.
Source : Liberté Algérie / Amine IDJER
Biskra, miroir du désert de Mohamed Balhi, éditions Anep,
beau livre, Alger, 2011. 246 pages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire